LA
PALOMBIÈRE
|
Règlement intérieur
|
La chasse
à la palombe est une passion, ou une façon de vivre, ou les deux... Le chef de cabane tire consciencieusement sur les ficelles des appeaux, mais les palombes ne regardent pas, elles filent vers le sud. On fait chauffer le café, on écoute la radio tout doucement. On surveille de loin le gros vol qui plane au-dessus des cultures de maïs. Les premiers invités apportent le journal, c'est une bonne idée. On marche un peu dans les couloirs, on surveille la parcelle de pins d'à coté. L'an prochain il y aura une coupe rase, qu'est-ce que ça va donner ? Vers midi
passe le maire, déjà l'heure de l'apéro ? C'est calme aujourd'hui, pas
de coup de fusil, ni devant, ni derrière… Il fait chaud maintenant, tout
déréglé ce temps. On chasse en tee-shirt et tennis, les palombes ne passent
plus les Pyrénées mais font demi-tour et reviennent ici. Le maïs et les
glands poussent en abondance, pourquoi iraient-elles ailleurs ? Ah, ça
y est, le chef de cabane vient de poser un vol important, on interrompt
le repas, surtout pas de bruit, pas un cliquetis de fourchette ! Nous sortons
enfin à l'extérieur. Le chasseur passe sous le filet pour retirer délicatement
les palombes et les mettre dans un sac. Les plus jolies serviront d'appelant,
celles qui ont les plumes abîmées seront tuées pour être mangées. L'alerte
passée nous revenons vers notre repas. Puis le chasseur sort d'un couloir, et là il va ramasser sa proie. Il revient à la cabane en commentant : « elle est pleine de maïs, celle-la, elle n'avait plus faim ». Ah, un coup de sifflet, une autre visite : le garde-chasse. Il connaît tout le monde, n'a donc pas besoin de demander les permis de chasse. Il prend un café. Il a repéré pas mal de cerfs, c'est la période du brame, il convient d'être prudent, ils peuvent attaquer l'homme à cette période. Parfois le soir on les entend, se battre ou bramer. Ca hérisse le poil, pas étonnant que ça fasse de l'effet aux biches. Le garde repart, les invités aussi, plutôt ravis de cette belle journée dans la forêt. Le soir il faut redescendre les appeaux, les mettre dans la volière, leur donner de l'eau et du maïs. Puis on ferme la cabane, et on rentre à la nuit. Sur la route on croise les chevreuils qui se lèvent, ou on ramasse des catalans (lactaires délicieux) sur le bas-coté à la lueur des phares. Les retraités ou les rentiers font ça pendant 2 mois, de la St Michel au 22 novembre, date à partir de laquelle on ne peut plus chasser au filet, mais uniquement au fusil. Ceux qui travaillent prennent leurs trois semaines de congés en octobre, ce qui paralyse légèrement la vie des villages, les plus malchanceux se contentent des week-ends. Quant aux femmes, soit elles sont plus mordues que leurs maris, soit elles les remplacent au travail (à la ferme ou dans les commerces), soit elles les accompagnent, pour le meilleur ou pour le pire… Et comme dirait ma mère :« deux mois de cabane par an, ça suffit ». Isabelle |
Le chasseur de palombes. Article de Marianne Payot, paru dans l'Express. C'est un drôle d'oiseau. Qui, sous des allures robustes, est atteint d'une curieuse maladie, diagnostiquée il y a plus d'un siècle. La palombite, encore appelée le mal bleu, est une affection qui se propage essentiellement de père en fils et qui touche particulièrement le sud-ouest de la France -on y dénombre plus de 110000 cas. Pourtant, c'est dans le Nord qu'on est le plus inquiet. Jusqu'à Bruxelles, où les Diafoirus de l'Europe ont tenté de l'éradiquer. Las ! Aucune thérapie ne saurait stopper le virus. Dans les Landes, le Gers, les Pyrénées-Atlantiques, en Gironde ou encore dans le Lot-et-Garonne, on le sait bien, et on évite toute grande manœuvre durant la forte période de fièvre automnale : interdit d'avoir des problèmes de chaudière, de dents, de prêt, ou de testament… L'artisan, le dentiste, le banquier, le notaire, tous paloumayres, sont partis se concentrer. Les yeux rivés au ciel. Histoire d'en appeler à quelques saints. Comme Saint Michel (fêté le 29 septembre), quand tout commence, Saint Luc, «où se produit le grand truc », et Saint Martin, où c'est la fin ». Un mois et demi de prières ponctuées de menus travaux : hisser, avant l'aube, les appeaux (ou appelants) -pigeons bleus ou palombes qui serviront d'appâts- en haut des pins par un astucieux système de poulies et de fils de fer ; puis préparer les grillades et la charcuterie, s'assurer de la température du vin, constantes essentielles de la cérémonie. Car si le chasseur de palombes aime bayer aux corneilles, seul, la tête pleine d'utopies aviaires, il adore refaire le monde. En bonne compagnie. Tel un gamin qui retrouve ses copains de collège ou de caserne, il va, entre hommes -les plus atteints affirment que c'est inscrit dans le contrat de mariage- déguster quelques bonnes bouteilles, batailler, ricaner, et, s'il est du coté de la Soule ,chanter. Les palombes
roucoulent, qui s'en vont à tire-d'aile vers la péninsule ibérique et
le Maghreb. On en a comptabilisé 1,2 million cette année. Un passage moyen.
Normal, le pigeon ramier rame de moins en moins, nourri qu'il est pas
le maïs landais. Un vent du sud trop fort ? Il délaisse le sol d'Iraty
et s'engouffre pas Urrugne ou, pire, survole l'océan. |
Le vin de la palombe blanche. Il était une fois, sur les hauteurs de la rive droite de la Gironde, en un lieu que les spécialistes n'ont jamais pu se mettre d'accord pour situer exactement, une pauvre femme qui avait perdu son mari. Cet excellent forgeron avait été tué par la chute d'un frêne qu'il abattait pour faire du bois destiné à emmancher les outils. Sa veuve,
qui se prénommait Servane, resta seule avec cinq enfants entre quatre
et treize ans: trois filles et deux garçons. Obligée de vendre la forge,
elle dut aller se réfugier chez sa tante Léa qui habitait seule une masure
bâtie au sommet d'un coteau. De là, on dominait le fleuve très large et
l'autre rive où s'élevaient quelques châteaux nichés au cœur de leurs
vignobles. La vieille
femme semblait médusée. Elle fit une curieuse moue qui remonta sa lèvre
jusqu'à la pointe de son nez crochu. La vieille
hocha la tête. Un sourire triste creusa ses rides et découvrit ses gencives
édentées. Servane essaya,
mais rien ne lui réussit. Elle était au désespoir. Mettant sa main en
visière sur ses yeux, elle scrutait la rive gauche du fleuve par-delà
les îles et disait en hochant la tête: Or, un jour
qu'elle contemplait l'autre rive avec envie, Servane vit que les gens
qui s'y trouvaient possédaient des armes à feu et s'en servaient pour
tirer les palombes et tous les oiseaux de passage. Elle remarqua aussi
une colombe effrayée par la pétarade qui traversait le fleuve et volait
dans sa direction. L'oiseau, qui voulait sans doute faire son nid, tenait
dans son bec une brindille. Sans doute fatiguée, au moment où elle survolait
sa terre, la colombe laissa tomber cette brindille aux pieds de Servane.
Se remettant
à jouer, la petite fille prit la brindille et la planta en terre en disant:
- Je plante un arbre. Sa mère sourit. Les vignerons apprirent très vite à faire le vin et, en quelques années, ils eurent de quoi creuser des caves et bâtir des châteaux. Et c'est ainsi que les coteaux de Blaye et de Bourg se sont mis à produire du vin. Le vin de la Palombe Blanche, bien connu des vrais amateurs. Bernard
Clavel |
Palombes - Encore des palombes - Chasseurs - Champignons - Forêt - Textes |